L’ÉCONOMIE MONDIALE A L’AGONIE : PANDÉMIE ET STRATÉGIE DU PRINCE D’ARABIE CONTRE LA RUSSIE

Crise du pétrole

Ce lundi 9 mars 2020, les bourses européennes et mondiales ont connu des mouvements boursiers spectaculaires pouvant s’apparenter à un début d’effondrement financier.

Ces baisses importantes de la plupart des grandes bourses internationales s’expliquent par deux grands phénomènes distincts qui ont pris de l’ampleur ce week-end.

Tout d’abord, l’aggravation des mesures prises pour endiguer la mystérieuse pandémie du coronavirus :

L’Italie a placé à l’isolement quinze millions d’habitants, la France et l’Allemagne ont interdit les rassemblements de plus de mille personnes.

En ce début mars 2020, plus de 100 000 cas d’infections au coronavirus sont recensés dans le monde, dans près d’une centaine de pays et territoires.

La Chine continentale, où le virus est apparu, dénombre encore 80 700 contaminations et fait état de 40 nouveaux cas.

Ainsi, il y a quelques jours en conséquence des multiples incertitudes économiques résultantes de cette épidémie du coronavirus, les membres officiels du cartel pétrolier ont tenté de conclure un accord avec les autres pays producteurs de pétrole pour réduire la production et maintenir les prix du brut.

Cependant la Russie, deuxième producteur mondial de pétrole (et qui n’est pas membre de l’OPEP), s’est vigoureusement opposée à une nouvelle réduction de 1,5 million de barils par jour. Mesure qui pourrait mettre en péril sa santé économique.

En réponse de quoi, l’Arabie saoudite de Mohammed Ben Salman a pris unilatéralement la décision surprenante de liquider ses prix. Ce qui correspond à la plus importante réduction des prix du pétrole saoudien depuis 20 ans, selon le média spécialisé Bloomberg.

Par cette étrange mesure, les Saoudiens semblent vouloir « punir » les Russes de leur refus de voir le prix du pétrole baisser, mais pas seulement comme nous allons le voir.
 
Les cours du brut viennent de s’effondrer de plus de 25 % ce qui explique les baisses importantes sur les marchés européens et internationaux.
 
Suite à cet effondrement spectaculaire des cours, plusieurs spécialistes des marchés financiers parlent désormais d’un prix du baril autour des 20 dollars, c’est notamment le cas des experts de Goldman Sachs.

L’Aramco (Saudi Arabian Oil Company) a donc vendu son baril d’Arabian Light à un prix sans précédent : 10,25 dollars en dessous du baril de Brent de la mer du nord, toujours selon les spécialistes de Bloomberg.

L’intention des Saoudiens de réduire les prix de vente officiels pour le mois d’avril de toutes ses qualités de brut, explique que les prix du pétrole se soient immédiatement effondrés entraînant avec eux l’action du géant pétrolier saoudien, Saudi Aramco (-10 %, sous le cours d’introduction), ainsi que la Bourse d’Arabie Saoudite (-9,2 % à l’ouverture).

On le comprend bien cette chute de près de 30 % des prix du brut est sans précédent : elle a (et va avoir) une répercussion énorme sur les marchés financiers, mais aussi sur la géopolitique mondiale.

Une véritable guerre des prix est désormais lancée par l’Arabie Saoudite depuis la fin de semaine dernière. Mais il n’est pas certain que cette attaque n’ait pas été préméditée à l’avance par les Saoudiens et leurs alliés…

MBS et Poutine

Une stratégie de MBS préparée depuis longtemps ?

En effet, nous pouvons noter que cette action de l’Arabie Saoudite intervient seulement quelques mois après avoir restructurée et relancée le projet d’introduction en Bourse de 5 % du capital d’Aramco, l’entreprise la plus rentable au monde.
 
Ce projet colossal, qui date de 2016, devrait en théorie faire gagner 100 milliards de dollars (environ 91 milliards d’euros) dans les caisses du fonds souverain saoudien, le PIF (Public Investment Fund).

Une manne destinée à financer la diversification de l’économie nationale, dont Mohammed Ben Salman a fait sa priorité.

D’ailleurs, les postes de ministre de l’Énergie et de président du conseil d’administration de la Saudi Aramco, compagnie pétrolière nationale, ont été réaffectés à des proches de « MBS », il y a quelques semaines.

Ainsi, le premier a été confié au prince Abdelaziz Ben Salman, fils du roi actuel (père de MBS) et demi-frère du dauphin, jusque-là ministre d’État à l’Énergie. Le second a été attribué à Yasser Al-Roumayyan, bras droit de « MBS » dans le monde de la finance.

Dans le même temps, ce week-end s’opérait un véritable coup d’État en Arabie :

En effet, trois princes saoudiens, des militaires et des dignitaires, soupçonnés de complot pour renverser le prince héritier Mohammed ben Salmane (dirigeant de facto), ont officiellement été arrêtés sur fond de rumeurs sur la santé du roi, selon l’AFP.

Ces arrestations interviennent dans un contexte sensible pour ce pays qui dépend du pétrole, confronté à la chute des prix de l’or noir et récemment contraint de limiter l’accès aux lieux saints de l’islam sur fond de crise du COVID-19.

Le vendredi 6 mars presque dans le même temps que la réduction des prix du pétrole, le prince Ahmed ben Abdelaziz al-Saoud, frère du roi, ainsi que le neveu du monarque, le prince Mohammed ben Nayef, ont été arrêtés sous le motif d’avoir préparé un coup d’État pour évincer le prince héritier.

Ainsi avec cette seconde purge, MBS, favori d’Israël et de Wall Street, n’a plus aucun rival dans sa quête du pouvoir et désormais plus personne ne peut l’empêcher d’accéder au trône.

Et même si nous ne savons rien de la santé du roi Salmane, âgé de 84 ans, la succession saoudienne semble définitivement scellée.

Nous ne pouvons pas, ne pas évoquer le rôle des États-Unis et d’Israël dans le soutien à MBS et dans cet effondrement du prix du pétrole.

Il est très probable que l’axe atlanto-sioniste nous rejoue le coup du choc pétrolier de 1973 et de la guerre du Kippour, dont j’ai évoqué les contours dans mon essai « Le Règne des Marchands du Temple : le Gouvernement des Banquiers ».

Le règne des marchands

Il semble bien que le pétrodollar soit encore l’arme ultime utilisée par les États-Unis, Israël et l’Arabie Saoudite pour blesser leurs ennemis.

En effet, ces prémices de krach boursier interviennent dans un contexte géopolitique complexe autour de la guerre en Syrie. On constate clairement que l’axe Russie-Syrie-Iran fait face à un axe États-Unis-Arabie Saoudite-Israël.

Il y a quelques mois, la tournée de MBS aux États-Unis a officiellement dévoilé les rapports de forces en présence.

Il est clair qu’Israël se rapproche de plus en plus des monarchies du Golfe. Officiellement nul, le commerce entre les deux parties représenterait en réalité plus de 1 milliard de dollars.

Elles collaborent notamment à des outils de sécurité et de renseignement face à leur ennemi commun : l’Iran.

Lors de sa dernière visite aux États-Unis en 2019, MBS, le prince qui marche sur le toit de la Kaaba, avait même indiqué qu’Israël avait le droit de vivre en paix sur son territoire. Ce qui avait ouvert la porte à un rapprochement de plus entre Riyad et l’État hébreu.

MBS lors de son voyage aux États-Unis avait également sollicité des soutiens à sa campagne contre l’influence iranienne au Proche-Orient. L’accroissement des tensions entre l’Iran et l’Arabie saoudite avait ouvert la voie au rapprochement entre les Saoudiens et les Israéliens, qui considèrent tous deux les Iraniens comme une menace immédiate.

« Il y a beaucoup d’intérêts que nous partageons avec Israël et, s’il y a la paix, il y aura beaucoup d’intérêts entre Israël et les pays du Conseil de coopération du Golfe« , avait déclaré le prince.

Depuis l’Arabie saoudite a ouvert pour la première fois son espace commercial aérien à des vols israéliens. En novembre dernier, un membre du gouvernement israélien a révélé qu’il y avait des contrats secrets avec l’Arabie saoudite.

En réalité, la prise de pouvoir définitive de MBS est en quelque sorte une récompense de ses alliés en échange d’une guerre économique engagée contre la Russie de Poutine, qui en plus d’avoir sauvé la Syrie, est en train d’infliger une défaite diplomatique et géopolitique importante à la Turquie d’Erdogan (membre de l’OTAN).

De plus, cette baisse des prix du pétrole pourrait finir d’asphyxier l’Iran, dont la santé économique et politique est fortement attaquée depuis ces derniers mois.

Il est certain que cette nouvelle crise du pétrole vise à affaiblir la Russie de Poutine qui pour l’instant semble gagner toutes les batailles importantes.

En effet, Wall Street, les Saoud et Israël veulent renouveler la stratégie de la crise du rouble russe pour tenter d’affaiblir une nouvelle fois Poutine. Souvenons-nous que cette crise qui avait débuté en juillet 2014 avait eu pour principales causes la baisse du prix du pétrole.

Celle-ci couplée à la spéculation contre le rouble russe et les sanctions économiques infligées par l’Union européenne avaient posé des problèmes à la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine. En effet, le pétrole représentant 50 % des recettes de la Russie et les deux tiers des exportations du pays, la Russie avait été forcément très exposée à une baisse du prix du pétrole.

Cependant, c’est cette crise qui avait décidé Poutine à renforcer son action de soutien à la Syrie de Bachar Al Assad…

Ainsi, par effet domino de l’effondrement du pétrole et de la guerre des prix lancée par Ryad, les places financières mondiales se retrouvent face à d’énormes difficultés.

L’Arabie Saoudite de MBS, sur ordre, prend donc le risque de déclencher une contraction de l’économie mondiale, voir un effondrement financier mondial, simplement pour lutter contre le génie tactique de Poutine, et affaiblir de facto l’Iran et la Syrie, au profit d’Israël.


​Krach financier : l’économie mondiale contaminée

Notons-le en ce lundi 9 mars 2020, les conséquences financières sont déjà importantes en Europe et dans le monde.

En France par exemple : l’indice du CAC 40 était ce matin en baisse de 6,25 %, à l’ouverture. Et preuve que nous sommes dans une période de grave incertitude, le taux à dix ans américain (obligation d’État) est lui passé sous les 0,5 %, alors qu’ils avaient déjà traversé le plancher des 0,9 % en fin de semaine dernière…

À la suite de la perte de 25 % du pétrole, les Bourses européennes ont logiquement chuté : l’indice allemand (DAX), à Francfort, perdait lui 5,6 % un peu avant midi après avoir plongé de 7,4 % dans les premiers échanges, tandis que le FTSE, à Londres, se stabilisait avec une perte de 6,68 % après une chute de de 8 % à l’ouverture.

En fin de semaine lors de la journée de vendredi, le DAX et le FTSE avaient déjà perdu 3,26 % et 3,62 %.

Ne parlons même pas de Milan, qui a déjà baissé de 17 % depuis le début du coronavirus sur son territoire, et la Bourse italienne a aggravé ses pertes à 9,6 % en fin matinée.

Alors que le bilan du coronavirus a atteint ce week-end en France les 1.126 cas et les 19 décès, ce qui reste relativement faible, la Bourse de Paris est à son plus bas depuis le 17 janvier 2019 et a pratiquement effacé la totalité des gains de l’année dernière.

Ce plancher sera atteint lorsque le CAC 40 tombera sous les 4.600 points. Évidemment le secteur bancaire français déjà fragile, tout comme les groupes pétroliers français, sont durement touchés. Ne parlons même pas des secteurs bancaires allemands et italiens qui sont déjà à l’agonie.

Notons que la dernière fois que le CAC 40 a clôturé dans ces eaux-là, c’était lors de la crise financière de 2008 : le 10 octobre, où la Bourse de Paris avait perdu 7,73 %, tandis que quatre jours plus tôt, elle avait lâché 9,04 % en une seule séance.

Toutes les Bourses enregistrent une baisse : notamment les marchés de la région Asie- Pacifique qui ont clôturé en chute libre. Tokyo a terminé sur une chute de 5,07 %, Sydney, de 7,33 % tandis que les Bourses chinoises ont perdu jusqu’à 3,79 %…

Malheureusement, le grand cataclysme financier ne semble plus vraiment très loin. Et le coronavirus et les pétrodollars semblent même être les motifs parfaits pour déclencher la prochaine grande crise.

Marc Gabriel Draghi

Cours de l'action BlackRock
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